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La Plume de Giacometti

La Plume de Giacometti

Ecrivain, photographe amateuR


Mon roman - Extrait du tome 3 : si seulement ...

Publié par Plume sur 19 Janvier 2008, 07:48am

Catégories : #Ecriture


tome-3.jpg
La porte se referma. Et le silence revint dans la grande maison si vide et pourtant si remplie de sa présence … Il promena un regard brillant autour de lui, dans ce bureau qui avait été le siège de tant de résolutions d’illustre médecin. De tant de désillusions aussi. Il s’arrêta sur le portrait, un long moment. Elle ne l’avait jamais aimé. C’était une évidence maintenant. Une larme perla au coin de ses yeux. Il y avait cru pourtant. Depuis ses huit ans.
 
Ils sortaient de l’Ecole. L’air était vif, froid, et cinglait leurs joues rondes et rouges. Ils marchaient côte à côte, tranquillement, et regardaient avec le même air circonspect tous les enfants de leur âge qui se bousculaient dans la neige fraîchement tombée et hurlaient de joie :
« Tu seras toujours mon ami ? »
Il l’avait longuement regardée. Elle était si jolie … A travers la brume qui s’échappait de ses fines lèvres entrouvertes, ses yeux noirs, immenses, limpides l’interrogeaient avec comme une vague inquiétude au fond de la prunelle … Il avait pressé ses petits doigts gelés dans les siens :
« Bien sûr. Toujours. »
Elle avait paru soulagée. Son beau sourire avait littéralement illuminé le ciel gris. Elle s’était mise à courir le long du trottoir. Il l’avait suivie, heureux, fier. Riant aux éclats, chahutant, glissant sur les pavés, chantant à tue tête et oubliant les horreurs de la guerre encore visibles autour d’eux, dans les ruines qu’on aurait pu croire encore fumantes et les chiens errants squelettiques reniflant avec avidité les rares poubelles abandonnées. Elle aimait le taquiner et il aimait qu’elle le taquine. La neige avait recommencé à tomber en gros flocons légers quand ils étaient arrivés devant la petite maison, la dernière du bout de la rue. Ils avaient vu tous les deux debout sur la première marche l’enfant blond en culotte courte qui, visiblement frigorifié, tapotait ses deux petites mains l’une dans l’autre, et se dandinait d’un pied sur l’autre, attendant avec impatience sa venue.
« Andrei ? »
Elle avait laissé tomber son vieux cartable dans la neige, aussitôt oublié sa présence. Elle s’était précipitée vers lui, l’avait soulevé dans ses bras et entouré de son châle pour le réchauffer contre sa poitrine … Il aurait aimé à cet instant précis être à la place du petit garçon, être serré et bercé lui aussi avec tant d’amour, il avait envié le garçon blotti dans les boucles noires qui se parsemaient de petites boules blanches, souhaité en même temps et de toutes ses forces qu’il disparaisse dans la seconde et lui laisse la place. Il aurait pu le lui hurler avec cette jalousie malheureuse qui le tenaillait … Il ne fit que lui ramener son vieux cartable tout trempé, le cœur serré.
« Merci, Nikolaï … »
Il avait hoché la tête, détournant ses yeux tristes. Il pensait qu’elle monterait les marches et rentrerait dans la maison avec le garçon accroché à son cou. Mais non … Sa main douce et fine,
 
Il s’en souvenait encore,
 
 avait soudain relevé son menton.
« Merci d’être mon ami … »
Elle avait posé un baiser sur ses lèvres glacées par le froid :
« Je t’aime … »
Médusé, il était resté cloué sur le sol, là, devant la porte qui s’était refermée sur sa fine silhouette déjà si élégante, de longues et interminables minutes à contempler d’un air hagard les murs lézardés où elle vivait avec sa mère et son jeune frère …
 
Oui. Il y avait cru. Il passa un doigt tremblant sur le portrait où elle lui adressait depuis toujours le magnifique sourire de ses vingt ans. Elle était sincère, il le savait, ce jour là quand elle lui avait dit avec toute sa certitude de petite fille qu’elle l’aimait. Mais elle ne l’avait pas aimé comme elle aurait dû. Il ferma un instant les paupières, accablé. Il ne comprenait pas pourquoi. Il ne savait pas ce qu’il n’avait pas fait pour qu’il en soit autrement. Tant d’horreurs auraient pu être évitées … Si seulement elle avait voulu l’aimer vraiment.
 
La plume avait séché. Il soupira et la trempa à nouveau dans l’encrier …
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D
je crois bien que je vais aller faire un tour du côté de la Fnac.fr, aujourd'hui...
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P
J'en suis ravie ... Bisous
S
Ce texte court, appelle une lecture de tout le livre....C'est génial. Tu écris très bien. On se laisse facilement prendre au piège des mailles de ton écriture. C'est fabuleux de pouvoir faire rêver grâce à sa plume.J'espère que tu composeras pleins d'autres livres, car tu sais dire les choses. Tu sais inventer et imaginer fort bien.Je pense que je reviendrais dès que le temps me le permettra, pour te suivre un peu, dans ton monde enchantéPensées et à bientôtSonia
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P
Tu seras toujours la bienvenue ...
C
tres joli texte..je me suis laissee prendre...
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P
Alors c'est gagné ... Mon roman devrait te plaire
B
coucou plume, je t'ai manqué, toi aussi. j'ai bien profité de mon séjour sur paris pour voir ma famille et commencer la promo de mon livre. je vais faire un article demain pour en parler...je n'ai pas encore reçu les tiens.biz et amitiésbéa
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P
Te revoilou ! Belle soirée à toi ...
O
ces petites tranches de vie,ont l'art d'inspirer la réflexion...Quand les sentiments se trompent en chemin............toute une belle histoire!bonne soirée,Plume
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P
Quand ils se trompent ...

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